Quel étrange endroit pour se réveiller. Un bras posé sur son front, Mori cligna plusieurs fois des yeux, circonspect. Il ne reconnaissait ni le plafond de la chambre, ni la luminosité qui filtrait à travers les volets à demi tirés de la pièce. En revanche, l'odeur lui était familière. Une odeur de rose et de thé vert. Koyo. Que faisait-il dans ses appartements ? Auraient-ils encore passé la soirée à boire ? Ca n'aurait pas été étonnant ; les fêtes de fin d'année étaient toujours bien célébrés à la mafia Portuaire, avec un saké comme il se doit. Mori se redressa lentement ; il s'attendait à avoir la migraine mais ce n'était pas le cas. L'endroit ne lui disait rien non plus, tout bien réfléchi. Les murs de la pièce étaient vides, et le lit légèrement surélevé. Perplexe, Mori arqua un sourcil et malgré le parfum familier de Koyo, il tâcha de rester sur ses gardes.

Il se leva donc lentement ; il avait les cheveux tirés en un petit chignon vers l'arrière et était encore dans sa robe de chambre bleue aux motifs floraux. Ses pieds nus entrèrent en contact avec de la moquette. Avec lenteur et précaution, il se dirigea vers la fenêtre dont il tira les volets. Les rayons de soleil matinaux l'éblouir un instant mais lorsqu'il put distinguer la rue en contrebas, il resta perplexe de longues minutes. Il ne connaissait pas l'endroit le moins du monde. Dans quelle situation étrange avait-il encore été embarqué ?

"Rintaroooooo !" La porte claqua contre le mur de la pièce ; Elise avait visiblement déjà fait le tour des lieux. Si elle faisait tant de bruit, c'est qu'aucun danger imminent ne les guettait. Les épaules de Mori se détendirent légèrement alors que la jeune blonde se plantait dans le sol, les mains sur les hanches. Elle était encore en nuisette, les cheveux détachés. "Où est-ce qu'on est ?"

Mori eut un petit sourire en coin. Il ne savait pas lui-même. Il s'approcha d'Elise et posa un doigt sur ses lèvres avant de passer à côté d'elle. Le reste de l'appartement était relativement grand. La chambre d'où il venait donnait sur un couloir. Deux autres portes étaient fermées. Le couloir donnait sur une pièce à vivre confortable ouvert sur une cuisine aménagé à l'américaine. L'endroit était lumineux et agréable ; quelques affaires lui étaient familières. Comme ce chapeau qui appartenait à Chuuya. Il le saisit entre ses mains et le fit tourner pour voir l'inscription. Rimbaud. C'était bien lui. Mori le reposa sur le canapé avant d'aller dans la cuisine et de se préparer du thé.

Il entendit peu après des bruits de pas et se tourna vers Chuuya, un sourire affable au coin des lèvres, sa tasse à la main.

« Chu-kuuuun ! Quelle charmante surprise ! ... Dis-moi, ces lieux semblent bien investis ... Où sommes-nous donc tombés ? »

Depuis qu’il était à Arcadia ou plus précisément dans l’immeuble, Chuuya est en guerre perpétuelle avec les voisins. Si on combine tous les mauvais caractère de tous les immeubles et bien … Ça donne ça ! Et Chuuya Nakahara n’est ni le plus calme, ni le plus patient des individus. Un rien l'irrite ! Son seul point positif c’est qu’ici, il n’y a pas de putain de Dazai pour l’emmerder ! Bon sang, il a fallu qu’il change d’univers pour s’en débarrasser ! N’est-ce pas un peu extrême ? Et bien, il faut ce qu’il faut ! Même si le prix à payer est d'être entouré de crétins.

S’il y a une personne qu’il n’a pas pu se débarrasser, c'est Koyo, qu’il a retrouvé désemparée (pas du tout). Dans un acte charitable, il lui a proposé de l’héberger (à comprendre ici qu’elle l’a menacé et que Chuuya n’a pas eu son mot à dire !).

Chuuya a toujours eu tendance à abuser de l’acool. Il adore le vin, passion transmise par Koyo, sauf qu’à la différence de sa mam- son mentor, lui ne tient pas du tout l’alcool. Il n’a jamais été surprenant de voir un Chuuya ivre. C’est d’ailleurs le moment préféré de ses collègues, il est si facile de le faire parler ou sortir de ses gonds. Pas au point de divulguer des infos sur la mafia, Chuuya est loyal même ivre mort.

Bref, les fêtes de fin d’année, c’est signe d’un One Shot dans sa tronche pour lui. C'était le cas ! Il ne se souvient même pas du moment où il est rentré. Le rouquin s’est réveillé avec une sacrée gueule de bois ! Ce qui l’énerve ? C’est que Calen lui, il doit être tout frais, tout beau, dans la meilleure de sa forme ! Putain d’oreilles pointues ! Avec un grognement, Chuuya se redresse, sortant du lit en tanguant un peu. Les cheveux plus ébouriffés que d’habitude, il enfile un kimono offert (refourgué de force !) par Koyo. Pieds nus, passant une main dans ses cheveux emmêlés, il grimace en entrant dans la cuisine avant de se stopper.

“Bordel de !!!!”

Ca y’est, il devient fou ? Chuuya frotte ses grands yeux ahuris ! Mais non, il ne rêve pas, son boss et son stupide sourire sont bien là, dans SA cuisine (est-ce qu’ils vont tous faire un squattage ?) mais surtout, bien à Arcadia ! Combien vont encore débarquer ?

“Je … vous ….” Où est-ce qu’il est ? “CHEZ MOI ! Et il n’y a AUCUNE chambre de disponible !” prévient Chuuya avec colère, avant de passer une main sur son crâne. Beugler n’est peut-être pas la meilleure des idées.

Il soupire profondément pour se calmer et tire une chaise -malgré tout encore agacé- pour s’asseoir près de son papo- boss.

“Nous sommes à Arcadia, loin de cette enflure de Dazai. Et bonne nouvelle, il n’y a aucun moyen de rentrer. Bienvenue dans le multiverse !”
Il lui aurait bien levé un verre d’alcool pour fêter ça, s’il n’était pas sûr de vomir à la moindre gorgée.

Les cris de Chuuya n'étaient plus ni un mystère ni un secret pour les oreilles de Mori. C'est pourquoi, tranquille, le chef de la mafia se contenta de lui adresser un regard amusé, sa tasse de thé à la main. Bien entendu, il comptait sur son jeune membre pour lui raconter toute l'histoire, ce qu'ils faisaient ici pour commencer... Lorsqu'il aurait fini de hurler et de s'énerver dans le vide. Mieux valait le laisser faire un peu ; par la suite il se calmerait. Elise était derrière lui et se bouchait les oreilles, les joues gonflées d'agacement. Pour un peu, Mori aurait presque était nostalgique. Il se contenta de garder son sourire et de boire une autre gorgée de thé avant de dire d'une voix faussement dramatique :

« Tu laisserais donc ton boss dormir dans la rue alors qu'il fait si froid ? Tu vois comme il est cruel, Elise-chan ! »

Vu la tête de Chuuya, le pauvre jeune homme n'avait pas dû passer une nuit de tout repos. Il tenait très mal l'alcool et les maux de têtes au réveil étaient souvent néfastes. Mais cela ne l'avait jamais empêché de faire son travail ; il râlait beaucoup mais était efficace et loyal. Voilà pourquoi Mori comptait sur lui et savait qu'il pouvait lui confier certaines tâches d'importance.
Mais qu'en était-il de cet endroit ?
Les explications que lui fournit Chuuya une fois calmé ne l'aidèrent guère à appréhender la situation. Il s'assit sur une chaise de la cuisine, pensif, les yeux dans le vague durant quelques longues secondes.

« Le multiverse, uh ? Fascinant... » pensa-t-il à voix haute avant d'adresser un grand sourire à Chuuya. « Dazai est ici, lui aussi ? Quelle heureuse surprise. Peut-être lui ferons-nous entendre raison huhu. » son rire devint plus lugubre. Dazai, le fils prodigue qui l'avait quitté. Il avait placé beaucoup d'espoirs en lui, escomptant le voir prendre sa suite à la tête de la mafia. Il n'était pas encore trop tard pour que ses plans fonctionnent ; qui sait ? Mais sa collaboration avec Chuuya s'avérait plus fructueuse encore maintenant que les rôles se tenaient de la sorte. Tout était écrit, après tout... Mais ici, qu'en était-il ? Il n'y avait ni chat, ni livre, n'est-ce pas ? « Et comment se portent mes affaires ? » Car Mori savait que Chuuya n'était probablement pas resté les bras croisés, ici.